Contrairement aux autres Uchroniques qui refaisaient l’Histoire pour mieux éclairer le présent, cet article vous emmène dans le futur. L’occasion cette fois d’anticiper une tendance mode à laquelle personne n’échappera : la Air Wemby ! Kezako ? Décryptage, sous forme d’un guide de bonnes pratiques en propriété intellectuelle et patronymique à destination de l’un de nos (futurs) champions.

10 août 2024, aux alentours de 23h. L’équipe de France de basket-ball remporte son premier titre olympique en renversant en finale la Dream Team américaine et son armada de stars ayant chacune un modèle de sneakers* à leur nom.

Côté français, la révélation s’appelle Victor Wembanyama, Wemby pour les « intimes ». 20 ans, 2m24, 1er choix de la « Draft » du championnat nord-américain en 2023 (NBA), 2ème basketteur le plus suivi sur les réseaux sociaux lors de sa première saison. Saison au cours de laquelle il impressionne ses pairs et décroche nombres records de précocité, dont le prestigieux titre de « Rookie of the year »* . Comme la légende Michael Jordan il y a près de 40 ans. 

Dépassera-t-il ce héros, souvent désigné comme le Greatest Player Of All Time* ? Rendez-vous dans 20 ans pour le savoir. En attendant, et avant de marcher dans les pas de Jordan sur le terrain, Wemby cherchera peut-être déjà à suivre les traces de ses chaussures…

Des joueurs bien dans leurs baskets

Flashback : 1984, la marque Converse domine le marché des chaussures de basket, sous contrat avec les stars d’alors comme Larry Bird ou Magic Johnson. Avec Michael Jordan, les négociations tournent court, Converse refusant tout traitement de faveur pour ce prodige. C’est Nike, alors très jeune marque cherchant à percer sur le marché des chaussures de basket, qui tente sa chance. Le deal ? Un contrat de 2,5 millions de dollars sur 5 ans et 25% de commission sur chaque paire vendue. C’est ainsi que naît, en 1985, la Air Jordan 1. Nike espérait en vendre 100.000 modèles la première année : il s’en vendra 450.000.

La « success story » est en marche. Les nouveaux modèles Air Jordan s’arrachent année après année, certains devenant « collector » et battant des records lors d’enchères. En 2020, une paire de Air Jordan 1 portée par la légende était ainsi adjugée pour 615.000 dollars. A la fin des années 90, Jordan devient une marque à part entière dans l’univers Nike, plus uniquement un modèle de chaussures. En 2023, elle représentait 16% du chiffre d’affaires mondial de la marque à la virgule.

Parallèlement, le basketteur prête son image à d’autres enseignes bien connues (McDonald’s, Gatorade…) sans oublier sa participation au film Space Jam (1996) aux côtés de Bugs Bunny et autres Looney Tunes, ou encore la mini-série documentaire The Last Dance diffusée par Netflix en 2020.

Si Victor Wembanyama souhaitait le même destin, le droit aurait peu d’influence directe (a priori) sur ses performances sportives. Il pourrait en revanche lui permettre d’anticiper les risques liés à la protection de son patrimoine et à ses performances financières ! 

 

Une Air Wemby, oui, mais quelques conseils tactiques

Voici donc 5 recommandations -non exhaustives- et points à garder à l’esprit pour une carrière réussie d’un point de vue patrimonial et juridique.

 

  1. Création d’une société portant son patronyme : anticiper les désaccords pour rester maître du jeu

Nombreuses sont les personnalités qui créent une société à leur nom pour porter leur activité commerciale et faire entrer des investisseurs. 

Attention toutefois aux conséquences de l’utilisation du nom patronymique dans la dénomination sociale de la société ou son nom commercial ! Depuis le célèbre arrêt Bordas de la Cour de cassation, le nom utilisé à titre de nom commercial ou de dénomination sociale d’une société est considéré comme un objet de propriété incorporelle qui s’est détaché de la personne physique qui le porte pour s’appliquer à la société qu’il distingue.

Il est fréquent qu’après avoir fait entrer des actionnaires dans la société, le porteur du nom ne se reconnaisse plus dans les orientations imposées par les coactionnaires devenus majoritaires. Loin de pouvoir récupérer son nom et lancer une activité concurrente, le fondateur ne peut empêcher sa société initiale de continuer d’utiliser son nom, sauf convention particulière. De nombreux contentieux ont concerné des fondateurs de maisons de mode (Christian Lacroix, Inès de la Fressange…) et pourraient parfaitement s’appliquer dans le cas de sportifs célèbres. 

Il faut donc anticiper les modalités d’un tel « divorce » dans un contrat en prévoyant par exemple, dans les statuts de la société, les modalités de récupération du nom pour désigner une activité commerciale et les modalités de cessation d’utilisation du nom par la société. 

Si le nom d’un sportif est utilisé avec son accord dans la dénomination sociale d’une société, celle-ci n’a pas pour autant le droit de déposer des marques comportant le nom du sportif sans son accord. C’est l’enseignement de l’arrêt Ducasse de la Cour de cassation. Mais attention aux marques qui pourraient avoir été déposées par la société du sportif avec son accord ! Là encore, sauf convention particulière, impossible d’empêcher l’exploitation de la marque à l’avenir. 

  1. Dépôt d’un nom patronymique ou d’un logo à titre de marque : ne pas tout mettre dans le même panier

Beaucoup de sportifs connus déposent leur nom à titre de marque pour désigner des produits ou des services. Victor Wembanyama l’a déjà fait en déposant son nom de famille et son surnom pour désigner tant des produits fréquemment commercialisés par des célébrités (cosmétiques, accessoires de mode, jeux, boissons) que des produits ou services plus incongrus (lessives, papier hygiénique, combinaisons de plongée, décorations pour arbre de Noël, portage salarial, services de photocopie…). S’il est peu probable que Victor Wembanyama se lance dans la vente de combinaisons Néoprène sous la marque WEMBY, les dépôts effectués peuvent être utilisés pour empêcher, pendant un certain temps, des tiers d’enregistrer une marque proche qui désignerait des produits ou services identiques ou similaires. Et oui, ce n’est qu’après 5 ans de non-utilisation à compter de son enregistrement qu’il est possible d’obtenir une déchéance pour non-exploitation d’une marque pour les produits ou services non utilisés.

Que Victor se rassure  : si un tiers souhaitait déposer et exploiter une marque « WEMBANYAMA » pour des produits ou services non couverts par les marques qu’il aurait déposées, celui-ci prendrait un risque certain. Le Code de la propriété intellectuelle et la jurisprudence empêchent en effet d’enregistrer des marques portant atteinte à un droit antérieur tel qu’un « droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom de famille, à son pseudonyme ou à son image » dès lors qu’un risque de confusion est démontré. 

Le sportif doit malgré tout garder le contrôle sur les marques portant son nom. En cas d’apport ou de cession des marques à une société dont il ne détiendrait pas le contrôle, un désaccord avec les actionnaires majoritaires ou la direction pourrait vite conduire à ne plus être maître de la destinée de l’utilisation de ces marques. Sauf à anticiper là encore dans un contrat la manière de régler les désaccords. 

Côté exploitation, la marque permet de tirer des revenus dans le cadre soit de partenariats avec des marques existantes soit de la création par le sportif de ses propres produits (comme dans les cas de Serge Blanco, René Lacoste ou encore Fred Perry). Le sportif, s’il est titulaire de sa marque à son nom, pourra négocier une rémunération forfaitaire au titre de la licence de sa marque ou une rémunération proportionnelle sur les ventes des produits sur lesquels la marque est apposée. Si la marque appartient à une société dans laquelle il dispose de parts, la société encaissera les revenus et le sportif actionnaire sera susceptible d’en tirer bénéfice via les distributions de dividendes.

En plus du dépôt du nom à titre de marque, un logo peut caractériser un joueur. Le logo du Jumpman représentant la silhouette de Michael Jordan dans les airs a par exemple mené à un contentieux aux Etats-Unis. Jacobus Rentmeester, photographe, a reproché à Nike d’avoir copié l’une de ses images réalisée lors d’un shooting pour le magazine Life où il avait demandé à Michael Jordan de réaliser une figure de ballet (le grand jeté) ballon en mains. Le photographe perdra son procès. Pour Wembanyama, Nike semble adopter une stratégie similaire, dévoilant en avril un logo représentant un alien (autre surnom de Wemby) pour la future gamme dédiée au joueur.

  1. Mise à profit de son image : saisir la balle au bond

Il est fréquent que les sportifs associent leur image à des marques dans le cadre de parrainages ou de contrats publicitaires. Rappelons-nous au moment de la Coupe du monde de Rugby 2023 du capitaine Antoine Dupont, dont l’image était associée à Volvic, Adidas, Apple, Peugeot ou encore Ami. 

Récemment, Victor Wembanyama est devenu ambassadeur Louis Vuitton, partenaire premium des JO de Paris.

En dehors de l’application de la loi n°2017-261 du 1er mars 2017 permettant à des associations et sociétés sportives de verser des redevances aux sportifs qu’elles emploient pour l’utilisation commerciale de leur image, de leur nom ou de leur voix, un sportif peut parfaitement avoir le statut de mannequin ou d’artiste en fonction de la prestation qui lui est demandée. La qualification de contrat de mannequin, de contrat d’artiste ou de contrat de parrainage engendrant des régimes juridiques particuliers (salaires ou redevances), il est essentiel de clairement qualifier les prestations et rémunérations versées.

Ne pas oublier non plus de bien encadrer les utilisations autorisées de l’image en limitant notamment la durée, les supports, les droits d’utilisation, ainsi que toutes les nouvelles possibilités de création d’images par des outils d’intelligence artificielle… 

  1. Utilisation des propriétés olympiques : bannir les passages en force

C’est ce qu’avait fait la marque Le Coq Sportif en prévoyant de commercialiser à l’occasion des Jeux Olympiques de Londres en 2012 un modèle en édition limitée de chaussures de basket dénommées « Joakim Noah 3.0, le rêve olympique ». Le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) a reproché au Coq Sportif l’utilisation du terme « Olympique » et des couleurs des anneaux olympiques à des fins commerciales, alors que le Code du sport attribue des droits spécifiques au CNOSF sur ces propriétés olympiques. 

Non seulement ces chaussures n’avaient finalement pas été commercialisées (le basketteur Joakim Noah ayant dû renoncer à participer aux Jeux en raison d’une blessure), mais Le Coq Sportif a en outre été condamné à 100.000 euros de dommages-intérêts pour parasitisme des signes olympiques. 

  1. Préparation physique : s’hydrater et bien dormir, un cocktail gagnant

Mais l’on sort ici de notre champ de compétence. Alors pour conclure cet article, et en attendant de porter des Air Wemby, il nous reste à souhaiter bonne chance à l’un de nos chouchous pour les J.O. et pour la suite de sa carrière déjà très prometteuse !

 

* Chaussures de sport

* Meilleur joueur de tous les temps

* Meilleur jeune de l’année

  • publié le 25 avril 2024