📆 15 SEPTEMBRE 2016 : Ce jour-là, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) rend un arrêt qui fera date en droit du numérique. Explications.

Tout commence outre-Rhin, en 2010. Tobias Mc Fadden est propriétaire d’un magasin spécialisé dans la vente et la location de matériel audiovisuel. En plus d’avoir le sens du commerce, Tobias est un homme de son temps : il offre à ses clients un accès libre, gratuit et anonyme à Internet. Fausse bonne idée. Durant le mois de septembre, un de ses clients télécharge illégalement via le réseau Wi-Fi de la boutique un titre musical. Le label Sony Music, titulaire des droits d’auteur, voit rouge et met en demeure Tobias, le sommant de dédommager l’utilisation illégale des droits détenus sur le phonogramme. 

Après quelques années passées devant les juridictions allemandes, la responsabilité de Tobias est questionnée face à la CJUE.

L’histoire, en bref :

Cet arrêt est d’abord l’occasion d’une petite piqûre de rappel : comme on le sait, le droit de l’Union européenne a vocation à s’appliquer à l’ensemble des Etats membres et prend le pas sur les législations nationales. Or,  une directive européenne entrée en vigueur depuis l’été 2000 (et appliquée en France à travers la Loi pour la confiance dans l’économie numérique) a délimité la notion de fournisseur d’accès à Internet comme la teneur de sa responsabilité.

Le droit du numérique est composé d’une pluralité d’acteurs : fournisseurs d’accès, hébergeurs, éditeurs de contenus et plus récemment plateformes. Tous n’ont pas le même degré de responsabilité puisqu’ils interviennent à des stades différents. Le fournisseur d’accès est le plus éloigné des turpitudes en ligne. Aussi, sa responsabilité est facilement amoindrie puisqu’il n’est que le moyen et non pas la cause. 

Voilà qui fait date.

Si Tobias n’avait pas vocation à rivaliser avec votre fournisseur d’Internet préféré, son réseau Wi-Fi était un argument commercial vital à son activité. De surcroît, il indique avoir agi passivement dans sa mise à disposition. La Cour écarte donc sa responsabilité concernant la violation des droits d’auteurs par les utilisateurs de son réseau. En effet, sa prestation de service ne correspondait qu’à un simple transport d’informations répondant à trois conditions cumulatives : le prestataire n’est pas à l’origine de la transmission, il ne sélectionne pas son destinataire et il ne sélectionne ni ne modifie les informations transmises.

Depuis cet arrêt, la qualification de fournisseur d’accès ne suppose pas l’existence d’un contrat ou d’une contrepartie mais doit à tout le moins entrer dans une activité professionnelle, la fourniture étant ici utilisée pour attirer la clientèle. Néanmoins, pour ménager l’équilibre entre liberté d’entreprendre et protection des droits d’auteur, la CJUE recommande chaudement la sécurisation d’une Wi-Fi publique en levant l’anonymat de ses utilisateurs par la mise en place d’un identifiant et d’un mot de passe.

Pas besoin d’être coté en bourse pour faire surfer ses congénères, mais mieux vaut bien les connaître !

  • publié le 18 septembre 2023