« Rembobinons » fait la mise au point juridique d’une œuvre ayant marqué la culture populaire. Aujourd’hui, « Breaking Bad ». Vous ne verrez plus de la même façon, la série culte créée par Vince Gilligan
Vous connaissez probablement Breaking Bad, l’immense série consacrée au trafic de méthamphétamines. De l’aveu même de son anti-héros Walter White, professeur de chimie reconverti en redoutable baron de la drogue, il est surtout question de la construction d’un véritable empire entrepreneurial.
Le commerce de méthamphétamine est un secteur économique comme un autre, avec ses consommateurs finaux, ses producteurs et distributeurs rivaux. S’il ne relevait pas de l’économie souterraine, il serait soumis au droit de la concurrence. Si l’on considère que la concurrence désigne le processus de rivalité entre les entreprises pour accaparer un marché, alors le droit de la concurrence vise à sauvegarder la libre concurrence entre les entreprises.
Il est normal que des entreprises gagnent en importance grâce à la qualité, à la quantité, à la diversité, ou encore grâce au prix des produits et services qu’elles proposent. En revanche, la concurrence par les mérites s’oppose à ce que les entreprises s’entendent entre elles ou abusent de leur position dominante sur un marché.
La qualité avant tout
Le moteur de l’ascension de l’entreprise de Walter White est la qualité exceptionnelle de la drogue qu’il fabrique. De l’aveu de ses propres concurrents, son produit pur à 99% est l’œuvre d’un maître qui demeure inégalée. Ainsi, une marchandise de meilleure qualité (soit, dans l’univers de la série, un produit stupéfiant plus pur que la moyenne…) procure davantage de “satisfaction client”, un meilleur rendement, et lui permet de pratiquer des prix plus élevés que le reste de la concurrence et ce, en toute légitimité sur un fondement de concurrence par les mérites.
Cela étant dit, le personnage principal va rapidement être confronté au caractère impitoyable de son secteur, et se livrer à des pratiques anticoncurrentielles. A titre d’exemple, dans la deuxième saison de Breaking Bad, “Walt” conseille un fabricant concurrent sur le procédé de fabrication à suivre, avant de le sommer de ne pas vendre de produits sur « son » territoire.
Ici, notre héros commet deux ententes anticoncurrentielles. La première résulte de l’échange d’informations sensibles entre concurrents portant sur le processus de fabrication du produit. La seconde est une répartition de marché résultant de la coopération du concurrent de « Walt » de ne pas empiéter sur son territoire. Dans les deux cas, il s’agit d’une pratique concertée interdite en France et en Europe.
Better Call Saul !
Dans la dernière saison, sous pression, certains membres de l’empire de Walter White envisagent de collaborer avec la police afin d’aménager les sanctions encourues. En droit de la concurrence cette pratique s’apparente aux procédures alternatives de transaction et de clémence essentiellement inspirées de la pratique pénale aux Etats-Unis du plea bargain et du leniency program.
Le lecteur attentif soulignera toutefois que la série se déroule au Nouveau Mexique : le droit de la concurrence français comme européen pourrait ne pas s’appliquer. Peut-être… mais l’applicabilité de “notre” droit de la concurrence ne dépend pas de la localisation géographique des auteurs des pratiques mais de leurs effets. En cas de doute, faites comme Walter White avec Saul Goodman, contactez votre avocat !
Crédits photo : © Photo de Artem Podrez