Par Romain Voillemot, Directeur délégué aux affaires juridiques du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024
En 2017, après trois échecs pour les éditions de 1992, 2008 et 2012, Paris était officiellement désignée par le Comité international olympique (CIO) comme la ville hôte des jeux Olympiques et Paralympiques d’été de 2024. Ce choix s’est fait sur des engagements forts et une vision : celle de Jeux mêlant spectacle, durabilité et héritage déployés en cœur des lieux les plus iconiques de la capitale française. Des sites iconiques vont ainsi muer en arènes sportives : les Invalides, le Grand Palais, le Grand Palais Éphémère, le Champ de Mars, la Tour Eiffel, les Champs-Elysées, le Château de Versailles.
Paris et le Comité National Olympique Sportif Français ont signé le Contrat de Ville Hôte avec le CIO. Ce contrat leur confie, ainsi qu’au Comité d’Organisation (COJO) Paris 2024, la planification, l’organisation, le financement et la tenue des Jeux. Créé en janvier 2018, Paris 2024 est une association, présidée par Tony Estanguet, triple champion olympique et membre du CIO. Elle est administrée par un Conseil d’Administration (CA), qui réunit l’ensemble des membres fondateurs du projet (État, collectivités locales, instance sportive, etc.). A ce jour, Paris 2024 réunit plus de 3000 collaborateurs de plus d’une dizaine de nationalités différentes.
Dès 2018 se monte une équipe juridique solide et pluridisciplinaire autour de 4 pôles : marque/cérémonies, IP/IT, affaires commerciales, livraison droit public / commande publique.
Cette équipe compte aujourd’hui plus de 40 juristes. La France, rompue à l’accueil des grandes compétitions sportives, dispose d’un cadre législatif solide. Les lois dite «Olympiques» du 26 mars 2018 et du 19 mai 2023 ont apporté des adaptations législatives nécessaires à la livraison des Jeux, dont certaines serviront, en héritage, à l’ensemble des grands événements accueillis sur le territoire national.
Plongeons dans le grand bain en donnant quelques exemples concrets !
En premier lieu, Paris 2024 s’est vu concéder par le CIO le droit d’exploiter et d’accorder des licences d’utilisation sur les marques olympiques (comme les anneaux ou le mot olympique). L’association a été amenée à créer des assets qui sont des figures imposées des Jeux (emblème, mascotte, flamme, médailles, slogan…) également déposées à titre de marque ou encore de dessins et modèles.
Les accords de partenariat ou de licence conclus par Paris 2024 portent justement sur le droit pour ses partenaires et licenciés, et à eux-seuls, de s’associer aux Jeux et d’utiliser ces marques et assets. Qu’ils soient Partenaires Mondiaux ou Partenaires Nationaux, les partenaires participent à la réalisation des Jeux par leur contribution financière ou technique, à travers la fourniture de produits et de services. Paris 2024 a développé avec plus de 70 licenciés un ambitieux programme de produits dérivés, porté par 6000 à 8000 références et plus de 30.000 points de vente. Pour ses produits officiels sous licence, Paris 2024 a fait le choix de privilégier des entreprises françaises aux savoir-faire reconnus, qui contribuent au développement économique de leurs territoires.
L’achat de produits officiels sous licence Paris 2024 contribue également à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.Les Jeux Olympiques ayant une notoriété mondiale, les risques de parasitisme et contrefaçon sont élevés pour les marques olympiques et les assets de Paris 2024 qu’il convient de protéger. Par ailleurs, la tentation pour les sociétés non-partenaires de se placer dans le sillage des Jeux -sans en avoir supporté les conséquences financières- existe. Le droit de la propriété intellectuelle est la pierre angulaire de cette protection. En protégeant ses marques et assets, Paris 2024 protège son programme de partenariat et de licence.
Il est tout à fait usuel pour les pays qui accueillent les Jeux de mettre en place des législations ad hoc, contraignantes et parfois dérogatoires du droit commun, pour pouvoir assurer la préparation optimale de l’évènement sportif. La loi du 26 mars 2018 répond à cet objectif et introduit de nouveaux articles dans le Code du sport afin de renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle olympiques.
Les articles L. 141-5 et L. 141-7 du code du sport instaurent effectivement en faveur de ces éléments et termes un régime de protection autonome très étendu, dérogatoire du droit commun, lequel permet de faire sanctionner par les tribunaux des usages indus, visant à en tirer un profit injustifié, des expressions telles que « JO », « Jeux Olympiques », « Jeux Paralympiques », « Paris 2024 », etc. Un amendement apporté à ces articles vise à permettre au COJO d’assurer la protection et la défense des éléments et termes liés au mouvement et aux jeux olympiques et paralympiques.
En second lieu, lors de chaque événement sportif international, les villes et les collectivités hôtes se pavoisent aux couleurs dudit évènement. Les partenaires de l’événement bénéficient également d’une visibilité. Les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, compte-tenu de leur ampleur, ont rendu nécessaire l’élaboration d’un régime juridique olympique et paralympique de la publicité extérieure. C’est l’objet de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 telle que modifiée par la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et de son décret n° 2018-510 du 26 juin 2018.
Afin de faciliter et d’accélérer les demandes d’autorisation pour les installations liées aux Jeux de Paris 2024, des dérogations ont été accordées. Le but : simplifier la visibilité de l’événement et des partenaires marketing participant à la réalisation des Jeux. Néanmoins, afin de préserver le paysage urbain et l’environnement, cette dérogation est encadrée juridiquement. Le régime juridique applicable à la publicité extérieure, prévu par les articles qui figurent dans les deux lois de 2018 et 2023, dépend donc du dispositif olympique ou paralympique concerné : relativement souple pour le pavoisement des symboles olympiques et paralympiques, cet encadrement est plus strict pour l’affichage publicitaire des partenaires des Jeux.
Les dispositifs et matériels supportant exclusivement l’affichage des symboles olympiques et paralympiques installés sur le site d’une opération ou d’un événement lié à la promotion, à la préparation, à l’organisation ou au déroulement des Jeux, ne sont pas soumis à plusieurs interdictions de publicité, par exemple sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, sur les monuments naturels et dans les sites classés, sur les arbres, etc.
En ce sens, lors des travaux parlementaires relatifs à l’adoption de la loi du 26 mars 2018, il a pu être relevé que «cet affichage constitue un vecteur de fierté nationale et permettra une mobilisation des Français en amont des Jeux et pendant des manifestations ponctuelles. Il participera à une valorisation exceptionnelle de notre patrimoine (…)».
Arrêtons-nous sur l’affichage publicitaire des partenaires. Le régime juridique olympique et paralympique de la publicité extérieure permet l’affichage publicitaire des partenaires des Jeux de manière circonscrite : si cet affichage peut être permis sur des monuments naturels ou encore sur des immeubles présentant un caractère esthétique ou pittoresque, il n’est en revanche permis sur des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques que lorsque ces derniers accueillent des compétitions. En outre, à la différence du pavoisement, l’affichage publicitaire des partenaires des Jeux sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques accueillant des compétitions est soumis à autorisation préalable. Ces autorisations sont sollicitées, instruites et délivrées dans les conditions fixées à l’article 6 du décret du 26 juin 2018.
Le cadre spatial dans lequel la publicité au profit des partenaires peut être faite, par dérogation aux interdictions d’affichage, est restreint à un périmètre de 500 mètres de distance autour de chaque site lié à l’organisation et au déroulement des Jeu, identifié par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement et des sports.
La temporalité est également encadrée pour les partenaires : le dispositif s’applique du trentième jour précédant celui de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de 2024, jusqu’au quinzième jour suivant la date de la cérémonie de clôture des Jeux Paralympiques de 2024. Par ailleurs, dans une volonté de soutien du potentiel économique des Jeux dans les territoires, la loi de 2023 adapte, de manière encadrée, les règles de publicité lors des célébrations olympiques et paralympiques.
En troisième lieu, côté infrastructures, l’atout de Paris 2024 est l’existence de nombreux sites de compétitions. Il n’en demeure pas moins que la livraison des Jeux a nécessité la réalisation de sites pérennes complexes (dont le village olympique et paralympique) et de sites temporaires (tribunes, terrain de sport, etc) notamment pour des compétitions ou encore la cérémonie d’ouverture au cœur de la ville.
L’installation des stades temporaires de Versailles, de la Concorde et de la tour Eiffel, trois sites emblématiques des Jeux olympiques de Paris, a commencé au début de mars.
Dans Paris, le stade de 30 000 places en cours de montage sur la place de la Concorde accueillera les épreuves des sports dits urbains (BMX freestyle, breakdance, skateboard et basket à trois) ainsi que la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques (28 août – 8 septembre).
Le Village olympique et paralympique a été inauguré le 29 février 2024. Sa superficie est de 52 hectares soit 70 terrains de football. Ce site est réparti sur 3 communes : Saint-Denis, Saint-Ouen-Sur-Seine et l’Île-Saint-Denis. Il accueillera 14 500 athlètes et leur staff pendant les Jeux Olympiques, et 9 000 athlètes et leur staff pendant les Jeux Paralympiques. Une fois les athlètes partis, le village va subir une mue pendant un an et demi, pour accueillir des logements familiaux et étudiants (2800), mais aussi des écoles et bureaux, des commerces (120.000 m2) et des espaces verts de plus de 6 hectares.
La loi de 2018 et plusieurs décrets permettent en effet de sécuriser la livraison de ces infrastructures, dans des délais contraints, en adaptant le droit de l’urbanisme. Les projets d’infrastructure temporaires sont ainsi dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme, et pour les projets qui resteraient soumis à autorisation d’urbanisme, des dispositions ont été édictées afin de réduire les délais d’instructions. Citons également un permis de construire ou d’aménager à double état (autorisation unique pour une construction ayant deux objets distincts dans le temps) pour le village afin de permettre la réversibilité de celui-ci. En obtenant dès le début une autorisation unique, les opérateurs ont ainsi pu réduire leur risque juridique sur ces projets immobiliers.
Le Village illustre la volonté de faire de Paris 2024 un projet environnemental innovant, répondant aux besoins des athlètes pendant les Jeux et à ceux des collectivités locales sur le long terme. Face à de tels enjeux, le cadre législatif s’est parfois adapté pour assurer aussi bien la réussite des Jeux qu’un héritage durable au bénéfice des organisateurs futurs !