📆 25 MAI 2004 : Le jour où un Van Gogh a modifié le Code civil
Ce jour-là, la première chambre civile de la Cour de cassation rend un arrêt relatif au marché de l’art qui fera date en droit des contrats. Explication.
Tout commence en 1992. Le Jardin d’Auvers, œuvre réalisée par Vincent Van Gogh lors de son dernier été passé à Auvers-sur-Oise, est expertisée et authentifiée pour une vente aux enchères. La toile est acquise pour l’équivalent de 8,8 millions d’euros par l’homme d’affaires Jean-Marc Vernes.
A son décès en 1996, ses héritiers décident de s’en séparer et portent le tableau aux enchères. Jusque là, rien de bien extraordinaire. Mais c’est sans compter le grondement des rumeurs propagées alors par un journaliste spécialisé : pour lui, cette toile n’est pas de Van Gogh. Avec cette nouvelle suspicion qui plane, aucune enchère intéressante n’est proposée, et le tableau n’est pas vendu.
Les héritiers de l’acquéreur décident d’intenter une action en nullité de la vente pour erreur sur la substance du contrat. Ils exposent qu’en 1992 leur père n’aurait pas acquis le tableau s’il avait eu vent d’un doute entourant sa paternité.
Le 25 mai 2004, la Cour de Cassation se prononce : le fait que le prix du tableau périclite ne justifie pas une action en nullité. L’action en nullité pour erreur n’est recevable que si elle porte sur la substance du contrat ou sur une qualité essentielle du cocontractant.
Voilà qui fait date.
Pendant plus de 10 ans, le juge invoquera la portée de cette décision dans des affaires similaires. Si bien que depuis 2016 l’article 1136 du Code civil la consacre pleinement : “L’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité.”
Si son authenticité a finalement été confirmée par le Musée Van Gogh d’Amsterdam, Jardin d’Auvers s’est retrouvé maintes fois au cœur de contentieux houleux. Avant cette affaire, la justice avait déjà été saisie au sujet de son classement au rang des monuments historiques.
Et une fois encore lorsque les héritiers Vernes ont attaqué en justice les journalistes qui avaient déclenché les rumeurs.
Un tableau a beau être figé, sa vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille.
Crédits photo © 1890. Vincent van Gogh (Dutch, 1853–1890). Oil on canvas_ 64 x 80 cm. Collection Privée