« L’humeur de » vous propose de découvrir la réflexion d’un(e) associé(e) d’UGGC Avocats sur des sujets liés à son expertise. Dans cette nouvelle édition, Jean-Jacques Uettwiller nous invite à interroger l’évolution du rapport temps / travail.
D’où vient l’expression désormais proverbiale de « copier/coller » ? Dans les années 1960-70, le rédacteur d’acte utilisait ciseaux et colle pour préparer la rédaction d’un acte en coupant les clauses adaptables d’un précédent acte puis en faisant un patchwork, annoté, de ses découpages.
Lorsque je rédigeais un acte dans les années 80, je l’écrivais, ma secrétaire le tapait, puis je le corrigeais et l’envoyais, par télécopie, à mon client. Celui-ci sortait alors ses crayons de couleur et transformait mon acte en une œuvre abstraite qu’il me télécopiait en retour. J’adaptais ces transformations, le lui télécopiais à nouveau pour validation et enfin, je l’envoyais à mon confrère, lequel sortait aussi ses crayons de couleur , etc…
Entre le premier projet et une rédaction validée, au moins une semaine s’écoulait (au mieux). Aujourd’hui, grâce aux courriels et à l’intelligence artificielle, toutes ces étapes se font dans la même journée. Quel gain de productivité ! Mais quelle perte de temps de réflexion… Cette vitesse, si elle permet de réaliser les opérations plus rapidement, n’aide guère à cogiter (mais aussi à vérifier). On dit parfois qu’il faut se coucher avec un problème pour se réveiller avec une solution. Tel est bien mon avis.
Le temps supplémentaire octroyé par l’intelligence artificielle pourra-t-il être consacré à cette étape nécessaire résumant à une question essentielle : ai-je bien pensé à tout et tout vérifié ?
Dans le cas contraire, nous ne serions que des opérateurs derrière leur chaîne de production, une activité nécessaire si elle se situe dans un ensemble où la création de valeur prime sur le reste.
Je ne suis pas un canut lyonnais en train de casser les métiers à tisser mécanique (encore que, je prête parfois à mon ordinateur des pulsions suicidaires, notamment lorsqu’il me demande pour la énième fois un mot de passe oublié). Juste un avocat qui a la faiblesse de penser qu’il sert encore à quelque chose.
Entre l’accélération du temps, les visioconférences et autres courriels intempestifs, que reste-t-il du contact humain ? Souvenir de visite dans le bureau de mon associé pour lui expliquer ma problématique : il ne m’écoutait pas mais que je ressortais malgré tout avec l’esprit en paix et la solution dégagée.
« Frères humains qui après nous vivez n’ayez les cœurs contre nous endurcis (…) mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre », écrivait le poète François Villon dans sa Ballade des pendus (et pas au téléphone). C’est pour cela qu’UGGC Avocats privilégie la réflexion et la formation à la validation. Méfions-nous du syndrome : « je sais, je l’ai déjà fait 20 fois ». Oui, mais chaque fois est différente et dans un monde où la loi évolue en permanence, quel plus grand danger que les certitudes ?