Comme la société, le droit évolue : avec Pépite d’archives, retour vers le passé pour mieux éclairer notre présent. Dans cette édition, Corentin Chevallier et Jennifer Carrel s’intéressent à la qualité de l’air intérieur et l’évolution de sa prise en compte sociétale et juridique…
Au fil des lois et rapports scientifiques, le sujet de la qualité de l’air a peu à peu intégré la conscience collective en tant qu’enjeu sanitaire et environnemental majeur.
S’il est désormais largement admis que la mauvaise qualité de l’air extérieur présente des risques importants, il est moins évident d’imaginer que le simple fait de passer nos journées dans des environnements clos en présente aussi.
Et, si le danger venait aussi de l’intérieur ? Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire, nous passons en moyenne 85% de notre temps dans des environnements clos, qu’il s’agisse de nos lieux de vie, nos bureaux ou dans les transports.
Or l’air intérieur, moins dilué que l’air extérieur, contient souvent des polluants en plus haute concentration.
D’abord, parce qu’il interagit avec la pollution extérieure mais surtout car de nombreux polluants sont propres aux intérieurs : humidité, produits d’entretien, revêtements de sol ou de meubles, appareils ou sources de combustion…
L’air de rien, un véritable enjeu sur le lieu de travail
Si de nombreuses normes et dispositifs de surveillance de la qualité de l’air extérieur ont été mis en œuvre, la qualité de l’air intérieur ne fait pas encore l’objet d’un encadrement aussi poussé.
Le législateur français s’est, cependant, saisi du sujet s’agissant des établissements recevant du public (ERP) dès 2010, avec la loi Grenelle II, rendant obligatoire le contrôle de la qualité de l’air intérieur dans les établissements d’accueil d’enfants et d’enseignement ou les centres de loisir. Ce dispositif récemment renforcé a vocation, à terme, à être étendu à tous les ERP.
Cependant, alors que nous passons une partie non-négligeable de notre temps sur nos lieux de travail, ceux-ci ne bénéficient pas du même niveau d’attention que les ERP.
Le code du travail réglemente timidement la qualité de l’air intérieur en se limitant à imposer l’installation d’une ventilation mécanique ou naturelle dans les locaux « à pollution non spécifique », dont les locaux du secteur tertiaire font partie.
Mais les obligations de l’employeur ont sans aucun doute vocation à s’accroître sur la simple base de son obligation de sécurité.
Pourtant, qu’il s’agisse de produits d’entretien, comme de moquettes empoussiérées, l’air de nos bureaux est embolisé. Certains produits émetteurs de pollutions sont encadrés, tels les produits de construction ou les désodorisants à combustion, mais la plupart ne le sont pas.
Il existe certes diverses initiatives privées de labels de qualité de construction, intégrant souvent a minima des critères de qualité de l’air intérieur, mais ces initiatives ne sont toutefois pas intégrées aux réglementations dans le secteur du bâtiment..
La performance énergétique pour changer d’air
La question de la pollution de l’air dans les bâtiments a cependant été récemment abordée sous un autre angle : celui de la performance énergétique.
En effet, dans le cadre de la refonte de la directive européenne sur la performance énergétique, divers ajouts visent directement la « qualité de l’environnement intérieur ».
La définition apportée à cette notion vise des paramètres tels que l’humidité, la température, le taux de ventilation ou la présence de contaminants.
Le parc immobilier entier est visé : bâtiments résidentiels comme bâtiments non résidentiels, publics ou privés. Les locaux professionnels sont donc également inclus dans le périmètre de la nouvelle directive.
Dans ce cadre, la France devra prochainement établir des exigences minimales de performance énergétique en tenant compte, notamment, de la qualité de l’environnement intérieur. Il s’agira de s’assurer que les bâtiments sont non seulement performants sur le plan énergétique, mais aussi que les systèmes de ventilation prévus sont appropriés.
Un enjeu dans l’air du temps
La nouvelle directive européenne sur la performance énergétique impose ainsi au législateur national de définir des exigences permettant de garantir un climat intérieur sain, laissant espérer de prochaines normes adaptées aux lieux de travail.
A ce titre, au plus tard le 29 mai 2026, les bâtiments non résidentiels devront être équipés de systèmes d’automatisation et de contrôle de bâtiments capables de surveiller la qualité de l’environnement intérieur.
Ainsi, si le droit français pose quelques bases d’un cadre protecteur, les évolutions à venir, sous l’impulsion européenne, devraient permettre d’aller plus loin dans l’amélioration de la qualité de l’air dans les environnements clos.
En attendant, un petit conseil : n’oubliez pas d’aérer vos habitations et bureaux 10 minutes par jour au moins…sauf naturellement en cas de pic de pollution de l’air extérieur !
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