Depuis 2022 UGGC Avocats est partenaire de l’association Femmes de Culture qui chaque année célèbre 100 femmes qui ont œuvré dans le secteur culturel français.
Dans cette nouvelle édition de « L’humeur de », Cécilia Gabizon – lauréate 2023 de 100 Femmes de Culture, rédactrice en chef, chroniqueuse et entrepreneure – prend la parole sur l’usage de l’intelligence artificielle dans les médias…

L’industrie des médias traverse une mutation sans précédent sous l’impulsion de la digitalisation de la vie et maintenant de l’intelligence artificielle. Trop souvent, cette technologie est perçue avant tout comme un levier de productivité, une manière de produire plus vite, plus « efficacement ». Mais cette vision est un piège. Réduire l’IA à un outil d’optimisation revient à ignorer son véritable champ d’action : celui de transformer la relation entre le média et son audience.

Cette tentation de la production à tout va peut même accélérer la disparition des médias, dans un monde ultra bavard rempli de mots synthétiques. Et comme lors de l’arrivée des plateformes sociales, il faut éviter la fuite en avant et se concentrer sur ce que l’IA peut et va réellement transformer.

L’IA n’est pas un accélérateur de production, mais un amplificateur de pertinence

La tentation est grande d’utiliser l’IA pour générer du contenu à la chaîne, automatiser la rédaction et réduire les coûts. Mais la valeur d’un média ne repose pas sur la quantité de contenus produits, elle repose sur leur pertinence. Ce n’est pas un excès de productivité qui sauvera les médias, mais une meilleure adéquation entre le contenu et les besoins de leurs audiences. En cela, l’IA peut être une alliée puissante : elle permet d’analyser en profondeur les attentes des lecteurs, d’identifier les formats les plus adaptés et d’offrir une expérience réellement personnalisée.

Maîtriser la distribution pour ne plus dépendre des plateformes

Depuis des années, les médias subissent les règles changeantes des plateformes, qu’il s’agisse des moteurs de recherche ou des réseaux sociaux.

Avec l’IA, ils peuvent perdre totalement le lien avec leurs lecteurs, ou au contraire, retisser des liens plus directs, en devenant des médias compagnons, capables de répondre aux questions, de proposer des recommandations intelligentes, personnalisées. Cette nouvelle relation est possible avec l’IA qui peut même réécrire pour mieux s’adresser aux différents publics : pour les plus jeunes, les retraités etc. Avec le risque de confondre engagement du lecteur et manipulation émotionnelle.

Mais si la personnalisation vient servir l’information, elle redonne une chance aux médias de rester utiles, chaque jour et de maîtriser leur avenir. Car les grands acteurs technologiques risquent de fausser la concurrence en contrôlant la distribution de l’IA générative. La bataille pour reprendre le contrôle de la distribution est essentielle si l’on veut échapper à la logique d’appauvrissement du contenu dictée par les algorithmes des géants du numérique.

Comment créer de la valeur ? Les enjeux juridiques et financiers

Loin d’être une simple question de productivité, l’IA pose aussi des questions essentielles sur la valeur économique des contenus. Des partenariats récents entre OpenAI et des groupes de presse comme News Corp ou le Financial Times montrent qu’il est possible de négocier une rémunération : 250 millions de dollars sur cinq ans pour News Corp, entre 5 et 10 millions de dollars pour le Financial Times.

Mais au-delà des chiffres, c’est toute la question du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle qui doit être repensée. Les médias ont besoin de garanties : leurs contenus ne doivent pas être pillés pour enrichir des modèles d’IA sans compensation. La transparence sur les données d’entraînement devient une exigence éthique autant que financière. A l’heure ou Sam Altman, le patron de Open Ai réclame de pouvoir entraîner les modèles sans rémunérer les données de qualité et notamment les médias…

Construire une IA éthique et stratégique

Pour l’instant, tout est chaos. La vitesse des transformations rend la réflexion difficile. On est comme aveuglé par les modèles successifs des nouvelles IA. Mais dans le fond, la véritable révolution repose sur une utilisation encadrée par le droit et éclairée par l’éthique de ces technologies.

Si les médias peuvent s’appuyer sur l’IA pour se réinventer, cela ne fera qu’avec une vision forte du rôle de l’info et le respect de valeurs fondamentales : rigueur, transparence, diversité…Et Pertinence.

Réinventer l’avenir des Médias

Le futur des médias se joue maintenant, à la croisée de l’intelligence artificielle et de l’intelligence humaine.

Les médias doivent cesser de voir l’IA comme un moyen d’aller plus vite et commencer à la considérer comme un levier pour améliorer la relation avec leur audience. La vraie révolution ne sera pas celle de la productivité, mais celle de la personnalisation, de la maîtrise de la distribution et plus que jamais dans le chaos et la cacophonie, de la pertinence des informations et des récits.

  • publié le 17 mars 2025