📆 15 DÉCEMBRE 1995. Ce jour-là, la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) rend une décision qui fera date en droit du sport…et dans le monde sportif tout court.
Une question de transfert.
Connaissez-vous Jean-Marc Bosman ? En 1988, ce jeune footballeur belge joue au Royal Club Liégeois (RCL), un club national de première division. Deux ans plus tard, son contrat avec le club prend fin et ses conditions de renouvellement divisent par quatre son salaire mensuel. Bosman refuse de reconduire le contrat et termine alors sur une liste de transfert, d’abord “imposé” puis “libre”.
Le milieu de terrain, fidèle à son poste, prend les devants. Il contacte un club en dehors des frontières belges. Le club de Dunkerque accepte son transfert. Pour entériner le changement de club, un certificat de transfert doit être transmis par l’Union royale belge des Sociétés de Football-Association (URBSFA) à la Fédération française de football (FFF).
Carton rouge. Craignant l’insolvabilité du club français, le RCL rechigne à contacter l’URBSFA. L’opération de transfert périclite et le club belge finit par suspendre Jean-Marc Bosman pour toute la saison.
Pour Bosman, la suite de sa carrière ne sera pas aussi verte que la pelouse d’un stade. S’enclenche une procédure fournie impliquant notamment l’Union des associations européennes de football (UEFA). Devant la Cour d’appel de Lièges, le dossier est suspendu pour interroger le juge européen.
Sport et droit, les deux matières excellent dans l’établissement de règles. Les questions de transferts et de clauses de nationalité des joueurs vont animer les débats…
Les règles du jeu.
L’affaire aura nécessairement une portée conséquente dans le monde du football en particulier et du sport en général. La Cour d’appel de Lièges décide d’interroger la CJCE (aujourd’hui Cour de Justice de l’Union européenne) sur deux points :
- Un club de football peut-il exiger et percevoir une indemnité lors de l’engagement par un nouveau club d’un de ses joueurs arrivé au terme de son contrat ?
- Les associations ou fédérations sportives nationales et internationales peuvent-elles limiter l’accès des joueurs étrangers ressortissants de la Communauté européenne aux compétitions qu’elles organisent ?
Au-delà des règles du football professionnel en vigueur à l’époque, la liberté de circulation des joueurs professionnels ressortissants de l’Union européenne et le respect du principe de la libre concurrence entre les clubs européens sont en jeu.
Fin du match.
Le juge européen siffle la fin de la mi-temps. Au regard de l’article 48 du traité de Rome de 1957, les associations sportives ne peuvent pas imposer le règlement d’une indemnité de transfert lorsqu’à la fin du contrat d’un joueur professionnel, ce dernier est employé par un club d’un autre Etat membre. Et, par ailleurs, les associations sportives, en particulier les clubs de football, ne peuvent imposer un nombre limité de joueurs professionnels ressortissants de l’Union européenne au sein de leurs compétitions.
L’URBSFA, le RCL, l’UEFA, sont donc hors-jeu.
Voilà qui fait date !
La décision va provoquer un effet quasi immédiat. Dès la fin des années 1990, la composition des clubs européens se restructure : Laurent Blanc s’envole pour Barcelone, Lilian Thuram intègre les clubs de Parme puis de Monaco, Zinedine Zidane part pour la Juventus de Turin…
Jean-Marc Bosman aura contribué, à renfort de 5 ans de procédure judiciaire, à améliorer les conditions de négociation des contrats des joueurs professionnels de football et de leur libre circulation.
En octobre 2024, l’histoire se répète. Même avocat que Bosman, même enjeu de transfert (vers un club belge cette fois-ci !) et joueur différent, Lassana Diarra. A nouveau, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) se prononce sur les règles de la Fédération internationale de football association (FIFA) à l’aune de la libre circulation des personnes et des règles de concurrence européennes. Et, une nouvelle fois, l’organisation sportive aura à revoir sa copie pour être en accord avec la loi européenne…
Marquer contre son camp : un mal parfois nécessaire ?