« Les lois ont été établies dans presque tous les Etats par l’intérêt du législateur, par le besoin du moment, par l’ignorance, par la superstition : on les a faites à mesure, au hasard ». Ce jugement de Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique, pourrait paraître sévère. Et pourtant, de nos jours, une plainte récurrente porte sur l’inflation législative, le maquis juridique, l’empilement des normes. Les agriculteurs, les futurs retraités et les demandeurs d’asile auraient beaucoup à dire sur le sujet !

Le droit peut paraître tordu, et les lois peuvent sembler parfois produire plus d’obscure clarté que d’heureuse limpidité dans nos sociétés juridicisées. La production d’une bonne loi est un art difficile, mais un principe pourrait y aider, car les griefs de Voltaire sont à prendre au sérieux : ne pas laisser seuls le législateur, le besoin du moment, l’ignorance ou la superstition (anciens noms des « réseaux sociaux ») décider d’une loi, mais y associer le temps de la concertation, les partenaires sociaux, la société civile, les citoyens dans un chaînage démocratique connu. C’est ainsi que l’on peut espérer un droit applicable, compris et accepté, un droit qui aille… droit au but, et pas toujours nécessairement avec une loi.

Le bon droit se mesure aussi à la capacité d’une société de s’organiser par elle-même, en s’épargnant parfois la complexité et la contrainte d’une loi. La meilleure loi serait celle qu’on n’aurait pas à voter, le bon droit un alignement des acteurs de la société. C’est là que Montesquieu répond à Voltaire : « Il ne faut pas faire par les lois ce qu’on peut faire par les mœurs ! »

  • publié le 2 février 2024