Une photo, un flou juridique.
Dans ce nouveau numéro, Zone grise zoome sur ces lieux qui ont poussé comme des champignons dans les agglomérations grâce à l’essor des commandes en ligne : les dark stores et dark kitchens.
Zone blanche, ce que dit la loi.
C’est une question de destination. En droit de l’urbanisme, les plans locaux d’urbanisme ont pour objet de fixer, pour chacune des zones qu’ils définissent, les usages autorisés du sol, notamment au regard des destinations des constructions. A cette fin, le code de l’urbanisme distingue cinq destinations différentes, qui comprennent 21 sous-destinations (Code de l’urbanisme, articles R.151-27 et R.151-28). Entre entrepôt logistique et local commercial, pas de confusion possible ! Un indice pour s’y retrouver : la nature de l’activité. Un entrepôt a pour activité principale le stockage. Le local commercial est plus diversifié et comprend notamment l’accueil d’une clientèle.
Commerçants de l’ombre et collaborateurs préférés des livreurs urbains, les dark stores et dark kitchens ont pullulé dans les grandes métropoles. Mais pour combien de temps ?
Zone d’ombre, ce qui se cache.
Les dark stores et dark kitchens, qui ne reçoivent aucune clientèle et destinent leurs ventes uniquement à la livraison, sont l’une des manifestations récentes de l’évolution des modes de consommation et de l’uberisation de la société.
Pour les communes et les urbanistes, leur développement dans les centres-villes a pour conséquence le dépérissement du commerce «réel», faute de clients, raison pour laquelle de nombreux élus ont appelé à ce qu’ils soient encadrés en droit, sans parler de la question d’éventuelles nuisances sonores liées aux allées et venues des livreurs.
Zone grise, aide à la navigation.
Les choses sont dorénavant plus claires. À la faveur d’un double mouvement réglementaire (décret n° 2023-195, 22 mars 2023 et arrêté du 22 mars 2023) et jurisprudentiel (CE, 23 mars 2023, n° 468360), les dark stores sont désormais soumis à la législation sur les entrepôts et non à celle des commerces. Les dark kitchen font, quant à elles, l’objet d’une définition spécifique mais également distincte de la destination générale de commerce.
En pratique, il sera désormais beaucoup plus difficile d’implanter de telles activités en ville. Une autorisation d’urbanisme -déclaration préalable ou permis de construire- sera nécessaire pour changer la destination du local de commerce vers celle de l’entrepôt. Et le tout sous réserve que le plan local d’urbanisme autorise une telle destination, ce qui est rare en centre-ville. Il faut encore ajouter un autre obstacle : les règlements de copropriété susceptibles de limiter les activités autorisées.
Les conséquences ont été immédiates. Alors que l’on avait vu se développer très rapidement les dark stores et les dark kitchens, ils disparaissent aujourd’hui tout aussi vite, car leur maintien expose leurs exploitants à des sanctions -notamment financières- que les communes n’hésitent pas à appliquer.