Avec la rubrique « Latitudes », 90° change d’échelle pour décrypter le droit au niveau international. Pour cette nouvelle édition, notre GPS indique N 40° 26′ 49 », O 3° 39′ 21 » : direction Madrid et le siège de la Liga, la ligue espagnole de football.
Dans le monde du sport de haut niveau, des équipes rivales peuvent s’affronter dans un lieu bien moins survolté qu’un grand stade (encore que…) : au tribunal. De l’autre côté des Pyrénées, les avocats de La Liga -comprendre La Liga Nacional de Fútbol Profesional- ont le PSG dans leur collimateur. L’association sportive basée à Madrid, grand manitou du ballon rond en Espagne, reproche au club parisien l’ampleur du soutien apporté par son actionnaire qatari. Depuis plusieurs années, elle déploie ainsi une imagination contentieuse débordante pour mettre un terme à ce qu’elle regarde comme une concurrence déloyale.
Dernier épisode en date : la Liga a annoncé cet été avoir saisi la Commission européenne d’une plainte fondée sur le règlement européen destiné à lutter contre les subventions étrangères faussant le marché intérieur, qui vient tout juste d’entrer en application le 12 juillet.
Un nouveau règlement européen
Ce règlement vise à combler une lacune du droit de l’Union européenne. Il existe en effet depuis longtemps une réglementation des aides d’Etats, qui limite la capacité des Etats membres de l’UE à soutenir leurs entreprises. L’Espagne en a fait les frais il y quelques années en étant condamnée à récupérer l’aide qu’elle avait fournie à plusieurs de ses clubs de football sous forme d’avantages fiscaux.
En revanche, jusqu’à l’adoption du règlement, aucun encadrement n’existait pour les aides consenties par des Etats non européens à des entreprises exerçant leur activité au sein de l’Union européenne. Rien n’était donc susceptible d’encadrer le financement des activités du PSG par son actionnaire Qatar Sport Investment, filiale du fond souverain qatari Qatar Investment Authority.
Le règlement crée donc un régime propre aux subventions étrangères fournies par des Etats tiers, en permettant à la Commission européenne d’enquêter et, le cas échéant, de prendre des mesures réparatrices, contre celles qui faussent le marché intérieur.
Des subventions à rembourser ?
Il est assez logique que la Liga, qui lutte depuis des années contre les « clubs d’Etat » qui profitent des généreux subsides de leurs actionnaires pour recruter joueurs et entraîneurs au prix fort et améliorer ainsi leurs performances sportives et in fine économiques, utilise ce nouveau règlement en déposant une plainte contre le PSG.
Désormais saisie, la Commission européenne devra d’abord déterminer si le club parisien a bien reçu des subventions étrangères au sens du règlement, c’est-à-dire des contributions financières, imputables à l’Etat du Qatar, qui lui ont conféré un avantage – ce qui sera le cas s’il ne les aurait pas obtenues dans des conditions normales de marché. Elle devra ensuite déterminer si ces subventions étrangères ont faussé le marché intérieur en renforçant la position concurrentielle du PSG.
La Liga considère évidemment que tel est le cas, dès lors notamment que le soutien qatari permet au PSG de renforcer indûment sa position sportive et, ce faisant, sa position concurrentielle sur des marchés connexes tels que ceux des droits de diffusion ou du sponsoring. Si la Commission décide d’ouvrir une enquête approfondie, le PSG pourra s’efforcer de démontrer le contraire.
Si elle constate finalement, au terme de son enquête, l’existence de subventions étrangères faussant le marché intérieur, la Commission imposera des mesures réparatrices ou rendra contraignants des engagements que pourrait prendre le PSG. Il pourrait par exemple s’agir de contraindre le club à rembourser des subventions ou de lui interdire certains investissements.
Un terrain de jeu prometteur
Sport et droit de l’Union européenne ont souvent entretenu des relations fructueuses. Le retentissant arrêt Bosman de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a libéré la circulation des joueurs au sein de l’Union en 1995, en est le meilleur exemple.
Le règlement sur les subventions étrangères pourrait bien en être le nouvel avatar. La Liga avait d’ailleurs été devancée dans l’utilisation du règlement par le club belge de Virton, mécontent que son rival de Lommel bénéficie, au travers de son actionnaire City Football Group, de fonds de l’Emirat d’Abu Dhabi. L’effet sur le marché intérieur reste à démontrer, mais plusieurs matchs sont donc déjà lancés sur ce nouveau terrain de jeu. Il revient désormais à la Commission de les arbitrer.